Les coincements représentent une grande part des accidents mortels
en sports d'eaux vives. Ils doivent être considérés comme des dangers
objectifs majeurs et nécessitent une prévention et des techniques de
sauvetage spécifiques. Dans un premier article nous abordons la sécurité
passive du coincement, c'est à dire la connaissance de ce risque et sa
prévention. Dans le suivant, nous présentons les techniques de sauvetage,
la sécurité active, que l'on peut mettre en place lors de ces accidents.
1ère partie
Sécurité passive/prévention
Extrait de CANOË KAYAK MAGAZINE / AVRIL MAI 1995,
reproduit avec permission de l'auteur et du journal
Le coincement dont on parle généralement, que ce soit avec ou sans
embarcation, où l'on se retrouve bloqué par la pression du courant sur un
obstacle, est tout aussi possible sur un parcours de haute-rivière, sur une
rivière artificielle que sur un parcours de randonnée. Les récits d'accidents
souvent dramatiques de ces dernières années le prouvent. Ils peuvent survenir là
où on s'y attend le moins : un rapide que l'on a descendu des dizaines de fois,
un bassin de slalom réputé... Ils sont favorisés par nos rivières de faible
profondeur. Même si le risque est faible proportionnellement au nombre de
pratiquants, il s'agit de le prendre en considération afin de le prévenir avec
un maximum d'efficacité.
1-Où peut-on se coincer?
Les types de rivières
Si parfois on a été tenté d'utiliser la géologie du terrain pour faire un
inventaire des obstacles caractéristiques, dans la pratique ce type de prévision
est très difficile, Nous sommes presque tous à même de faire la différence entre
une roche sédimentaire (calcaire, grès..) et une roche cristalline (granite,
gneiss, lave...). Mais l'étude de ce domaine dans le détail n'est pas à la
portée de chacun. En effet si la nature des roches, la structure tectonique
(faille, plis) induisent la morphologie de la rivière, il est impossible à
partir de là seulement de déterminer les risques de coincement.
On peut par exemple trouver des siphons sur tous les types de rivières.
Cependant on peut affirmer que dans les terrains calcaires où se manifestent des
phénomènes karstiques (grottes,lapiaz) certains drossages sont surcreusés et il
faudra s'en méfier (cas de la Toupine de Goumier sur l'Ardèche, ou du Styx sur
le Verdon). Typique également des rivières karstiques, les marmites creusées par
des galets tourbillonnants peuvent créer des "pertes" et constituer de dangereux
infrans (Valserine, Semine). On pourra également admettre que dans les massifs
anciens ou dans les sols cristallins on aura plus de chances d'avoir des
passages dégagés, mais là encore, cela peut être remis en question à l'échelle
métrique par un bloc qui se détache de la paroi venant combler la réception d'un
seuil. Il faut en revanche attirer l'attention sur les parcours dit "aménagés"
avec des blocs de carrière non érodés qui peuvent amener des risques de
coincement.
Les obstacles naturels
Rochers : les blocs au milieu du cours d'eau peuvent présenter des
risques de coincement suivant leur morphologie. En effet un bloc bien rond sera
moins dangereux qu'un roc ayant des faces anguleuses et parfois avec une face
amont concave par rapport à l'aval. On trouve fréquemment ce type de bloc dans
le haut des rivières glacières là où les roches n'ont pas été érodées.
Seuils et chutes : Une chute ou un seuil amènent des risques de
coincement essentiellement au niveau de la réception. En effet si le bassin est
obstrué par une dalle ou des blocs, la pointe du kayak peut se caler dans une
faille, sur un béquet ou entre deux rochers, et la pression de l'eau tombant du
seuil vient bloquer le kayakiste et l'embarcation. C'est une situation très
fréquente en haute-rivière. Des gerbes d'eau peuvent signaler la présence de
rochers immergés dans ou en bas de la chute. Il est à noter qu'il n'y a pas
besoin d'un grand dénivelé pour se coincer et que la hauteur de la chute ne
détermine pas le risque de coincement.
Siphon : Une partie du débit de la rivière (voire toute la rivière)
passe sous un ou plusieurs blocs (complètement ou partiellement) suite à un
éboulement ou à une forte érosion par l'eau. L'absence de contre-courant marqué
et un bouillonnement en aval de ces blocs indiquent les possibilités de
siphonage. Ces pièges sont mortels (car même s' il y a de la place pour qu'un
nageur puisse passer ils sont souvent obstrués par des branches) et leur
proximité rendent
les rapides infranchissables.
Troncs d'arbres : C'est un des dangers les plus importants. Un arbre
qui est couché en travers de la rivière devient en effet un véritable filet ou
un barrage siphonnant. Il peut être visible lorsqu'il se trouve au-dessus de
l'eau ou semi-immergé, mais il peut être sous l'eau et difficile à déceler. On
devra faire attention particulièrement à cet obstacle lors des premières
descentes de la saison ou après une crue.
Drossages : Les drossages peuvent occasionner des risques importants
de coincement car l'eau vient éroder les rochers surplombants et créer des
cavités (surtout dans la roche calcaire) où peuvent se trouver des branchages
qui augmentent le risque de coincement. On devra également se méfier des chutes-drossages
qui sont particulièrement dangereuses.
Autres obstacles : Tous les reliefs du lit de la rivière peuvent
présenter des risques de coincement surtout lorsqu'on se retrouve à la nage :
marmites de géant, lit de blocs chaotiques, glissière naturelle en dalles...
Les obstacles non naturels
On peut différencier:
a) les obstacles dus à la "pollution":
On peut trouver de tout, de l'essieu de voiture à la tôle fouillée ensablée
dans un contre-courant en passant par la machine à laver. Il faut faire très
attention aux câbles, fils de fer, tiges de fer qui sont difficiles à apercevoir
et qui sont pourtant très fréquents. Les locaux (navigateurs) devront apporter
un regard attentif à prévenir ces "saletés".
b) les obstacles liés à l'aménagement réalisé par l'homme :
On recense alors les fils barbelés qui traversent la rivière (qui sont
d'ailleurs en infraction par rapport à la loi sur l'eau), les passerelles qui
sont de redoutables dangers surtout en période de crue lorsqu'elles deviennent
siphons. On sera toujours prudent lorsqu'on passe sous un pont, car il peut rester des vestiges de la construction (béton emmanché, fer à béton, digue de
protection ayant servi pour la construction...) ou des anciennes piles de pont
(pieux en bois). Les glissières doivent être utilisées avec prudence car elles se détériorent rapidement et amènent des problèmes. Les vannes que l'on
passe sur les petites rivières de cl 1 ou 2 peuvent être la source de beaux coincements également.
On fera également attention aux anciens moulins, aux barrages, aux prises
d'eaux (qui sont encore souvent présentes sur les barrages désaffectés), aux
trous dans les digues...
2-Comment éviter de se coincer?
Analyse de la rivière
II est bien évident que la première des préventions est l'analyse de la
rivière appelée communément "la lecture de rivière". Elle permettra de recenser
les principaux "pièges". L' étude du rapide que l'on veut franchir est facilitée
par l'expérience que l'on aura développée en fréquentant les eaux-vives et sera
dépendante du niveau technique de chacun. En effet selon ses capacités, un
rapide ne présente pas les mêmes dangers et il est donc toujours important de
naviguer à son niveau même si la dynamique de groupe pousse à réaliser des
"exploits". Il est alors préférable de "porter" un rapide que de le passer
"limite" et de mettre en jeu son intégrité physique ainsi que celle des
éventuels sauveteurs (souvent ignorée).
Cette lecture peut se faire de la rive pour repérer un rapide mais peut se
faire à "vue" sur des parcours de classe 1 à 4 selon la pente de la rivière et
son niveau technique. Même sur un parcours que l'on connaît comme sa "poche" il
est impératif de toujours lire la section de rivière que l'on descend et d'être
prêt à toute éventualité (surtout après une crue ou en début de saison). En
effet la configuration de la rivière peut subir des bouleversements brutaux (un
arbre peut se déraciner de la berge et venir obstruer le lit de la rivière) et
amener des risques de coincement. Par exemple en 89 sur la Fraser River au
Canada, deux équipages de raft se noyèrent, coincés sous un arbre qui était
tombé durant la nuit à la sortie d'un drossage. Tout resserrement, gorge ou
canyon devra être préalablement reconnu.
La détection d'éventuels pièges immergés, (réception de chutes peu profondes,
arbres en travers sous le courant), peut se faire également à l'aide de sonde
comme votre pagaie où une longue perche que l'on aura trouvée au bord de la
rivière.
La navigation doit être également remise en question quand il s'agit de
descendre un cours d'eau en crue. Les rivières en crue présentent des risques
importants de coincement dus au fait que le cours d'eau s'étale parmi les arbres
qui bordent les rives; des passerelles peuvent être submergées, des clôtures
peuvent vous interdire l'accès aux contre- courants...
Esquimautage
On ne le répète sans doute pas assez mais l'esquimautage pour les
embarcations pontées est l'un des points essentiels de l'auto-sécurité. Sans
rappeler la qualité de navigation qu'amène l'esquimautage, il permet d'éviter
les "bains" qui peuvent être dangereux selon le type de rivière que l'on
fréquente, la fatigue lors des dessalages répétés, le risque que prennent les
équipiers à récupérer le matériel.
Travailler l'esquimautage régulièrement, le perfectionner est une attitude
responsable pour ceux qui veulent progresser dans les sports d'eau-vive.
Savoir nager en rivière
II est primordial de connaître les techniques de nage en rivière lorsque l'on
se retrouve "dans l'eau", dans un rapide (esquimautage raté, navigation dans une
embarcation ouverte...). S'il est intéressant sur une rivière à volume de garder
son bateau (un équipier d'un raft n'a pas le choix) et de l'utiliser comme une
base flottante, sur une rivière encombrée il est parfois conseillé de lâcher son
matériel et de se soucier uniquement de sa petite personne. Il s'agit alors
d'être actif et non passif en attendant que cela se passe. La première chose à
éviter est de vouloir se mettre debout, le risque de coincer sa cheville entre
deux blocs, dans le trou d'un rocher est grand. Il faut se mettre sur le dos, le
plus à l'horizontale possible, les pieds dirigés vers l'aval et remontés à la
surface et continuer à analyser ce qui arrive devant vous. Ce n'est pas le plus
facile et c'est pour cela que la nage demande de l'expérience (même pour les
navigateurs confirmés car ne dit-on pas que les "masters" font souvent de
piètres nageurs).
Par cette analyse vous allez pouvoir anticiper les chocs et éviter les gros
dangers en vous déplaçant en bac arrière avec vos bras (mouvements nage dos)
pour vous dégager de trajectoires problématiques. Par exemple il est important
d'aller chercher les intérieurs de virage pour éviter un drossage. Il est
également plus sécuritaire de chercher à rester dans la veine d'eau principale
et d'éviter toutes les petites "pissettes" que l'on trouve sur le bord et qui
peuvent être cause de coincement
Si vous devez franchir un seuil ou une chute, la meilleure position est de
vous mettre en boule afin d'éviter que vos jambes viennent se bloquer sous un
rocher. Il est important d'être prêt à se mettre en nage ventrale pour venir
accrocher un contre-courant (les bains les plus courts sont les plus appréciés),
attraper la corde qu'on vous lance ou lorsque le courant vous pousse contre un
arbre. La technique est alors d'essayer de prendre de la vitesse par une nage
ventrale (aller un peu plus vite que le courant) et de se hisser sur le tronc
d'arbre s'il est à votre portée ou de se frayer un chemin dessous (facilité par
vos bras qui peuvent intervenir) s'il est trop haut.
Sur des rapides majeurs mais également pour des débutants il est toujours
judicieux de penser à "des plans de nage" (exemple : rester au milieu et nager
sur la gauche à la fin du rapide) en cas de dessalage.
Il est donc important pour les débutants et les confirmés de pratiquer de
temps à autre des descentes de rapides à la nage afin d'être à l'aise au niveau
aquatique.
La technique de navigation
La technique permet évidemment en grande partie d'éviter les risques de
coincement
II s'agit alors d'évaluer son niveau technique et de choisir les parcours et
le passage des rapides en conséquence. Il est parfois préférable de remettre une
descente ou de porter un rapide si l'on se sent fatigué ou plus très sûr de ses
compétences. Sans faire un énoncé des techniques de 1a navigation eau-vive (il y
a des bouquins pour ça !) il est utile de rappeler les notions élémentaires
d'une navigation qui "tient la route".
- L'anticipation est la clef de voûte de la navigation
- La prise de vitesse permet d'avoir des changements de trajectoires.
- Connaître la technique du bac arrière pour éviter au dernier moment un
obstacle.
- Lors d'un passage d'un seuil la technique de giclée (voir CKM n°125 )
permet de décoller le bateau et d'arriver à plat sans "plonger" son nez dans le
bassin de réception.
- La maîtrise des gîtes longitudinales pour changer l'assiette du bateau
(passer par-dessus une branche semi-immergée) est importante à travailler.
- La maîtrise des prises de gîte latérales contre 1es blocs pour éviter de se
faire cravater.
- La maîtrise des figures élémentaires: stop courant, reprise et bac.
- La technique de navigation englobe également l'organisation d'une descente
avec un ouvreur, un serre-file (toujours avoir un oeil sur ses équipiers qui sont
derrière), mettre en place les postes de sécurité...etc.
En nage en eau-vive, on adoptera un palmage à la surface et non pas en
profondeur sur des rivières encombrées. On pourra également développer des
techniques de passage de chutes comme la technique giclée pour le kayak. Il
s'agit alors de prendre un appui avec ses deux palmes à l'entrée du seuil, de
décoller le flotteur et lorsque l'on plonge dans la chute ramener légèrement ses
pieds en arrière.
Pour le raft on rajoutera la technique spécifique de "l'over" qui consiste à
éviter que le raft ne cravate. Il s'agit pour l'équipage de se porter rapidement
sur le boudin latéral qui vient se bloquer contre le rocher. On peut ajouter ici
l'avantage du "gonflable" qui est très à l'aise dans les réceptions de
glissières chaotiques, de seuils douteux (peu. de profondeur, dalle...)
puisqu'il ne s'enfonce pas (la hauteur est cependant limitée car l'impact à
l'arrivée est vite violent).
Matériel
L'équipement participe d'une façon importante à limiter les risques de
coincement. Pour chaque discipline on trouve des points sur lesquels on doit
porter une attention particulière. On retrouve cependant des généralités sur
toutes les disciplines excepté peut-être pour la compétition qui a des
règlements particuliers. L'équipement personnel ne doit pas être négligé et la
flottabilité est essentielle. Un gilet haute-flotabilité de 10 à 14 kg est plus
sécuritaire qu'un 7 kg à fortiori usagé. Le gilet de sauvetage est donc une
pièce maîtresse qu'il ne faut pas négliger. Sur ce gilet il est intéressant de
trouver un système de fixation qui permet de mousquetonner une corde et
d'exercer une traction qui peut être très importante . Il est également précieux
d'avoir un gilet qui sied bien à son utilisateur en limitant toutes sortes de
sangles, de rallonges qui pourraient se prendre dans des branches.
Avoir des réserves de flottabilité dans son embarcation est indispensable non
seulement pour assurer son insubmersibilité en cas de dessalage mais aussi pour
augmenter sa rigidité lors de cravates éventuelles.
La combinaison néoprène est également capitale sur les rivières froides que
nous fréquentons. Sa protection contre les chocs et son confort n'étant plus à
démontrer, elle assure une flottabilité supplémentaire et notamment au niveau
des membres inférieurs qui n'est pas négligeable. Elle permet également lors
d'un coincement de résister à l'hypothermie et d'assurer également aux
sauveteurs la possibilité d'opérer dans une eau froide. De bonnes chaussures
sont utiles car on recherchera une bonne adhérence sur les roches humides
(difficile à trouver) lors des reconnaissances, des portages ou lors
d'opérations de sauvetage.
Le matériel de sauvetage est important : avoir une bonne corde de sécurité
(lire article "corde de sécu" du 125) et on devra également posséder un matériel
spécifique pour des opérations de sauvetage que l'on décrira dans le prochain
numéro (corde statique, poulie, prussik, couteau, scie, croc...).
Les embarcations
Haute-rivière
On a la chance d'avoir aujourd'hui une gamme de bateaux spécifiques selon le
poids et la technique de chacun. On préférera les embarcations à pointes rondes
et spatulées avec un maximum de volume. Les bateaux courts diminuent le risque
de coincement sur les rivières encombrées. La rigidité du bateau est importante
car elle permet d'éviter de coincer le navigateur dans son embarcation lors
d'une cravate. Il faut alors vérifier la résistance du matériel et le rigidifier
éventuellement par des poutres qui éviteront l'écrasement. Pour ceux qui
naviguent avec des bateaux de construction personnelle, il est important
d'utiliser du tissu verre qui se déchire au niveau du cockpit (le kevlar et le
diolène étant pratiquement indéchirables).
Il faut soigner également l'accastillage du bateau : attention
particulièrement aux bosses qui doivent résister à des fortes tractions, mais
qui ne doivent pas être la source de coincement. Le cale-pied doit être à toute
épreuve et posséder une certaine capacité à amortir les chocs. L'hiloire doit
être grand pour pouvoir sortir du bateau rapidement. On devra également prévoir
des aspérités sur le pont pour pouvoir se dégager d'un bateau coincé
verticalement.
Nage en eau-vive
On doit faire attention à la fixation des palmes qui doivent se détacher si
le nageur est bloqué par le pied. Il faut éviter tous les fixe-palmes trop
radicaux. Beaucoup de nageurs en eau-vive ne portent pas de gilet. Nous pensons
que c'est une
erreur et qu'il est sécuritaire d'avoir un gilet avec des points d'ancrages
pour pouvoir intervenir sur un nageur en difficulté. Aqua Mania travaille
actuellement sur une combinaison flottante avec boucles incorporées. Pour les
flotteurs, il est recommandé d'avoir beaucoup de volume et une grosse section
lorsqu'on pratique la haute-rivière. Cela permet en effet de rester à la surface
dans les seuils et d'éviter les coincements par la pointe avant.
Rafting
Les rafts sont de plus en plus sécuritaires. Le raft auto-videur a par
exemple limité les risques de cravate et les embarcations sont mieux équipées
qu'auparavant. Des problèmes de coincement peuvent encore exister lors des
cravates et peuvent être aggravés par les foot-straps. La nouvelle génération
des foot-straps (fermés) permet d'éviter en partie ce problème. Il faut
également être vigilant à toutes les cordes que l'on trouve sur un raft (ligne
de vie intérieure souvent décriée, ligne de vie extérieure qui devra être
tendue, bout arrière ou avant amarré en tête d'alouette...).
Nettoyer sa rivière
II est du devoir de chacun de rendre les parcours que l'on fréquente les plus
propres possible. Sans développer l'aspect environnemental qui est fondamental,
l'aspect sécurité est primordial.
S'arrêter sur une rivière pour couper une branche immergée, retirer un câble
qui traîne signaler aux autorités compétentes un obstacle qui gêne la navigation
(dont la FFCK et son "Réseau
d'alerte") est l'affaire de tous. Il faut également se mobiliser sur les
journées nettoyage du mois de mars pour rendre les parcours sains. Il est
également profitable pour les locaux de descendre leurs rivières à l'étiage pour
détecter certains pièges qui apparaissent par basses eaux et les signaler
ensuite sur les topos.
2ème partie
Sécurité active / techniques de sauvetage
Extrait de CANOË KAYAK MAGAZINE / AVRIL MAI 1995,
reproduit avec permission de l'auteur et du journal
Ci dessus, nous avons évoqué comment prévenir les risques de
coincement que ce soit dans une embarcation ou à la nage dans le cours d'eau.
Nous voyons ici les techniques de sauvetage en cas de coincement. Même si
elles sont parfois difficiles à mettre en oeuvre, il est important de les
connaître.
Ce dossier sur le décoincement doit être approfondi par une
lecture appropriée, et les techniques être essayées en situation fictive et
répétées régulièrement. C'est principalement là que ces méthodes peuvent être
remises en question, car sans être obnubilé par le sauvetage et sans vouloir
devenir le "sapeur pompier" des rivières, elles nécessitent pour être réalisées
efficacement, un minimum d'entraînement au sein d'une équipe qui a l'habitude de
naviguer ensemble.
L'attitude sécu
Les techniques qui vont être décrites n'enlèvent en rien le
bon sens et le juste réflexe qui resteront les qualités essentielles à
développer lors d'un sauvetage et que chacun pourra affiner et modifier par
expérience.
Ces techniques demandent cependant un matériel de sauvetage
qui va de la simple corde à lancer au kit de mouflage pouvant être réparti entre
plusieurs membres du groupe. Nous conseillons à chaque navigateur de posséder au
minimum une corde de sécu, un couteau (on note depuis quelques années de
nombreux coincements avec les cordes) et deux ou trois mousquetons. Nous
préconisons également d'avoir un croc (très utile en haute-rivière), une scie
pliante à double rangée de dents (permet de scier un bateau poly-éthylène ou une
branche), un jeu de deux poulies, un jeu de deux prusiks (cordelettes) ou une
poignée bloquante pour réaliser un mouflage, Nous recommandons également d'avoir
une corde statique de 30 m pour pouvoir réaliser des tyroliennes.
Un groupe doit pouvoir se mobiliser très rapidement sur un
membre qui a des difficultés. Cela implique donc une vigilance de tous les
instants entre les éléments du groupe et quelle que soit la difficulté de la
rivière. Cette attention qui devra être forcée au départ deviendra très vite
naturelle.
Voir l'accident le plus tôt possible est déterminant car les
secondes sont précieuses et si les membres du groupe sont tous bien ensemble, un
seul signe d'alerte (signe international de demande de secours : agitation
rapide de la pagaie de gauche à droite) et chacun pourra se porter rapidement au
secours de l'accidenté (ne pas oublier d'emporter avec soi lorsqu'on descend de
son bateau son matériel de secours).
La forme de navigation récente qui consiste à descendre en
groupe avec plusieurs types d'embarcation (kayak, nage en eau-vive, engin
gonflable) amène une sécurité supplémentaire par les diverses possibilités
d'intervention que permettent ces différents engins : le kayak pouvant
intervenir rapidement en tentant un bac "osé", le gonflable permettant de mettre
en place des techniques de tyrolienne et de navette, l'hydrospeedeur intervenant
pour atteindre à la nage l'accidenté.
Lors d'un accident on peut décomposer 4 phases pour le
sauvetage : évaluation, stabilisation, décoincement, évacuation éventuelle
(celle-ci ne sera pas traitée dans ce numéro).
L'évaluation
La question qui se pose en évidence est de savoir si la
personne peut respirer ou si elle est en train de se noyer. Dans le premier cas,
vous avez quelques minutes pour décider et user de la meilleure méthode, si la
personne est sous l'eau vous devez réagir immédiatement. Il est cependant
important dans les deux cas que le ou les plus expérimentés prennent une
décision avant d'agir et qu' ils distribuent à chacun un rôle. Ces personnes expérimentées doivent rapidement analyser la
situation:
- type de coincement (cravattage, pointe avant du kayak
coincé au bas de la chute, pied pris entre deux rochers...),
- morphologie de la rivière (force du courant, profondeur du
lit...),
- accessibilité des rives,
- matériel dont on dispose pour intervenir.
A partir de là on peut déterminer la méthode de sauvetage
bien que dans les faits on s'aperçoit que l'on procède par "essai-erreur" en
commençant par les techniques les plus simples à mettre en oeuvre.
Dans la grande majorité des cas l'équipe devra très vite,
pour gagner du temps, se diviser en deux pour aller se porter sur chacune des
rives afin d'opérer sur des techniques de décoincement qui nécessitent une
présence des deux côtés de la rivière.
Si le problème est d'évidence dramatique et si le groupe est
assez important pour que quelqu'un puisse aller chercher du secours sans nuire
au sauvetage et que le terrain s'y prête, il est recommandé de faire partir
quelqu'un pour avoir des moyens supplémentaires en hommes et en matériel.
Stabilisation de l'accident
Si d'emblée le sauvetage semble difficile, il faut essayer de
stabiliser l'accident en maintenant la tête de l'accidenté hors de l'eau ou
éviter que le cas ne s'aggrave (cas du bateau qui glisse sous un bloc). Cela
peut être un sauveteur-nageur qui atteint l'accidenté et l'aide à se maintenir à
la surface, une corde jetée très vite ou une corde tendue en travers et
maintenue en tension afin que l'accidenté puisse avoir un point d'appui et ainsi
résister à la pression de l'eau. Un obstacle que l'on met en amont de l'accident
permet de diminuer la pression du courant (faire un barrage avec un kayak, un
secouriste encordé peut faire bouclier...) Certains préconisent d'avoir un
morceau de tuyau (tuyau de lavement utilisé pour étanchéifier son hiloire) ou
une canule pour faire respirer une personne prisonnière sous l'eau...
Le décoincement
La logique veut souvent que l'on dégage une embarcation ou un
individu en lui faisant faire "le trajet inverse", c'est-à-dire en exerçant une
traction opposée à la direction du courant qui pousse l'accidenté sur
l'obstacle. Il s'agit alors d'apréhender l'accidenté lui-même ou son embarcation
et de le tirer le plus possible dans l'axe du courant de l'aval vers l'amont.
Dans le cas d'une cravate, il s'agira de tirer sur la partie du bateau qui offre
le moins de surface au courant ou d'utiliser un couple de traction pour
favoriser la rotation autour de l'obstacle.
Il existe en fait 3 principales familles de techniques de
sauvetage qui ont chacune plusieurs variantes.
1- Intervention des sauveteurs directement sur
l'accidenté.
Ce sont les techniques les plus rapides mais elles dépendent
de l'accessibilité de l'accidenté (morphologie de la rivière, puissance du
courant...).Elles peuvent être également le seul moyen d'arriver jusqu'à
l'accident, sur les rivières très larges. Ce sont donc toutes les techniques qui
consistent à atteindre l'accidenté en naviguant, en marchant ou en nageant, afin
d'avoir un point d'appui pour pouvoir tirer, scier un kayak, décoincer la
victime.
Elles servent également dans les cas désespérés où toutes les
solutions possibles ont été tentées pour dégager son compagnon. On essaye alors
le vatout en nageant jusqu'à l'accidenté pour tenter de réaliser une traction
ultime vers l'amont, en tirant sur la pointe du kayak... On relate quelques cas
où le sauveteur a pu déclencher ainsi le décoincement (notamment sur la
Dora-Baltée où le guide Perry du RVDA, après plusieurs tentatives à la nage, a
pu décoincer dans un courant puissant une personne crochetée par un pied).
Malheureusement bon nombre de ces tentatives ont été vaines
et ont même provoqué quelque fois la mort du sauveteur.
Une technique très intéressante et efficace consiste à
utiliser la cohésion et l'inertie d'un groupe pour atteindre l'accidenté et le
décoincer. Elle peut être envisagée sur une gravière, dans un courant moyen où
la profondeur ne dépasse pas la poitrine ou sur un rapide peu profond. Il s'agit
de se mettre en file indienne à 4 ou 5 équipiers en se tenant par la taille et
les épaules et en se déplaçant face au courant tout en s'aidant mutuellement à
se maintenir contre le courant, l'équipier avant s'aidant d'une perche ou d'une
pagaie (il faut mettre le plus puissant). On peut ainsi arriver jusqu'au-dessus
de l'accident et provoquer un contre-courant qui va diminuer d'une façon
importante la pression du courant sur l'accidenté. Le dernier du groupe pourra
également se retourner et intervenir pour dégager la personne. Cette technique
est facile à mettre en oeuvre et ne demande pas de matériel spécifique.
2- Intervention des sauveteurs de la rive.
Ces techniques sont utilisables lorsque l'accès à l'accidenté
est impossible (courant violent, chutes verticales...). Cela demande par contre
que la rivière ne soit pas trop large pour pouvoir manipuler des cordes et
d'avoir dans la plupart de ces techniques accès aux deux rives. Les plus simples
consistent à envoyer une corde de sécurité sur une personne coincée consciente
qui l'attrape et se fait tracter de la rive.
Techniques de tyrolienne mobile.
Ces techniques sont très efficaces pour décoincer un
kayakiste d'une chute (la pointe avant bloquée en bas de la chute), une personne
coincée dans l'eau...
Il s'agit de traverser une longue corde (il faut
mousquetonner deux cordes de sécu) et de remonter cette corde (de l'aval vers
l'amont), les équipiers se tenant sur chaque rive jusqu'au niveau de l'accidenté
qui pourra trouver un point d'appui sur la corde. Cette solution avait permis de
décoincer Jacky Avril cravaté sur le célèbre "Jacky's rock" de la Haute-Isère.
Ses amis avaient utilisé un câble de slalom tendu en travers pour que Jacky
puisse s'extirper de son embarcation. Cette technique peut être également
utilisée si la personne est inconsciente. Le but étant de faire remonter la
corde sous l'accidenté et d'exercer une traction au niveau du torse (pour un
kayakiste coincé dans une chute) ou au niveau des membres inférieurs (nageur
coincé par une jambe) permettant ainsi de décoincer la personne. On préconise
d'alourdir la corde en mettant une pierre au niveau du sac en corde qui devra se
trouver dans l'axe de l'accidenté permettant ainsi d'exercer la traction au
niveau des jambes. Il est parfois impératif d'avoir deux équipes qui ont chacune
une tyrolienne mobile, la première venant stabiliser la personne hors de l'eau,
la deuxième venant exercer une traction au niveau des membres inférieurs.
Pour réaliser cette technique il est nécessaire d'avoir des
cordes de sécurité et quelques mousquetons.
Technique du croc de secours.
Le croc permet de construire avec sa pagaie une gaffe pour
pouvoir accrocher la bosse d'un kayak (mais sans doute également le gilet de
l'accidenté) lors d'un cravattage ou d'un coincement vertical dans une chute. On
mousquetonne le croc à une corde de sécu qui permet ensuite de tirer (le plus
possible dans l'axe) et essayer de décoincer. Il est très utilisé par les
kayakistes de haute-rivière qui s'en servent très souvent pour décoincer les
kayaks dans des chutes.
Il faut donc posséder croc de secours et corde de sécurité.
Pour ces techniques, on est donc amené à réaliser des
mouflages lorsque la seule puissance humaine est insuffisante. Il est nécessaire
d'avoir poignée bloquante, prusik, poulies, mousquetons (pour la réalisation du
mouflage voir Bibliographie).
3- Intervention combinée des sauveteurs de la rive et
sur l'accidenté.
Ce sont les techniques le plus souvent utilisées dans les
sauvetages délicats. Elles sont cependant plus longues à mettre en place. Le but
de ces techniques consiste à faire parvenir un sauveteur jusqu'à l'accidenté
pour pouvoir le dégager en utilisant sa seule puissance mais aussi en faisant
intervenir la puissance des équipiers qui sont restés sur la rive. Pour cela, il
est nécessaire de savoir se servir d'un gilet harnais, d'une corde de sécu, de
savoir réaliser un mouflage, de connaître les noeuds de 8, de demi-cabestan,
cabestan, noeud largable, machard ou prussik (nous vous renvoyons au livre de
Jean LAMY et de RIVER RESCUE pour apprendre à réaliser ces manipulations de
corde).
A-Techniques de nage et de corde.
Ces techniques sont les plus connues et sont utilisées très
souvent en cas de cravate. Il s'agit d'envoyer un sauveteur nageur (soit à la
nage, à l'aide d'un gilet harnais) qui va mousquetoner le bateau pour que les
équipiers puissent de décoincer l'embarcation. Il doit se stabiliser au niveau
de l'accident (monter sur le rocher, s'accrocher derrière l'embarcation
cravatée) et mousquetonner la corde que lui lancent ses partenaires qui sont
restés sur la rive. L'utilisation du mouflage est ensuite très importante dans
ce cas-là car la puissance de traction doit être très importante pour décoincer
le bateau (CKM sortira une rubrique sécu sur le "décravatage")*.
Une technique efficace consiste à tendre une corde en travers
en amont qui va être utilisée par le sauveteur qui va s'appuyer dessus pour
aller qu'à l'accident et pouvoir ainsi mousquetonner.
Ces techniques demandent des cordes de sécu et éventuellement
de quoi faire un mouflage.
B-Techniques avec embarcation.
La ruse est d'utiliser l'embarcation avec un sauveteur dessus
afin de la déplacer et de la stabiliser jusqu'au-dessus du lieu de l'accident
afin que le sauveteur puisse travailler. Cela fonctionne très bien avec une
embarcation comme le raft ou des canoës ouverts rigides ou gonflables qu'on aura
fixés en catamaran.
La solution la plus évidente et la plus facile consiste à
mettre en place une équipe sur une rive, ou sur un rocher en amont et dans l'axe
du courant, et à faire descendre une embarcation avec un sauveteur qui pourra
mousquetonner l'accidenté et le faire tirer par l'équipe.
Ce n'est malheureusement pas souvent possible et il faut donc
utiliser un système de navette entre les deux rives pour amener le bateau là où
on le désire.
La solution la plus rapide est d'accrocher deux cordes de
sécu que l'on fixera à l'arrière de l'embarcation que l'on maîtrisera à chacune
d'une rive. On peut se servir d'un arbre en faisant un tour-mort ou un
demi-cabestan sur un mousqueton pour contrôler la descente et la trajectoire du
bateau, et surtout bloquer le bateau juste au-dessus de l'accidenté. On peut
également ajouter deux autres cordes sur l'avant pour ajouter en précision.
Cette technique permet d'arriver jusqu'à l'obstacle mais elle est limitée par la
puissance de traction dans l'axe du courant que pourront développer les
équipiers qui interviennent du bord. Autre inconvénient à cette méthode : les
cordes sont au ras de l'eau. Il faut donc avertir les autres embarcations qui
descendent la rivière (ce qui n'est pas évident car beaucoup de pratiquants dont
les professionnels ne connaissent pas les signes internationaux et on voit
régulièrement sur la rivière des aberrations à ce sujet).
Le matériel pour ce genre de méthode est composé de quelques
mousquetons et de cordes de sécurité.
Tyrolienne fixe avec embarcation :
La méthode consiste à traverser une corde statique en amont
de l'accident, l'attacher à un point fixe (un arbre en général) de 3 à 4 m
au-dessus de l'eau sur chaque rive et tendre ainsi cette tyrolienne par un
mouflage simple. Il s'agit ensuite de fixer sur cette tyrolienne un système de
navette à l'aide d'une poulie qui va permettre de déplacer une embarcation et un
sauveteur jusqu'à ce qu'elle soit dans l'axe-amont de l'accident et faire
descendre l'embarcation (soit par l'équipe qui est sur la rive, soit par le
sauveteur) jusqu'à l'accidenté pour réaliser le sauvetage final (en tirant
l'accidenté d'aval en amont). Une équipe de BE entraînés du Creps de Vallon a
réalisé des tests sur les ex-infran de l'Ubaye et a mis 5 mn pour réaliser ce
sauvetage.
L'avantage de cette méthode se trouve dans la puissance de la
traction qui sera bien dans l'axe du courant et qui pourra être installée bien
en amont de l'accident, ce qui laisse plus de possibilité pour trouver des
points d'accroché de chaque coté de la rive.
Il faut posséder pour cela un matériel spécifique : corde
statique, poignée bloquante ou prusik, poulies.
Tyrolienne avec sauveteur (sauvetage vertical):
S'il existe deux points d'accroche sur chaque rive et au
niveau de l'accidenté (ce qui en fait semble assez rare) vous pouvez tendre une
tyrolienne (avec un mouflage) et envoyer un sauveteur dessus par un système de
poulie qui pourra descendre jusqu'au niveau de l'accidenté et le tirer. Cette
méthode demande une bonne connaissance de certaines "manip" spéléo.
Cette technique qui nécessite tout l'équipement est très
intéressante dans le cas d'un coincement sur une pile de pont où l'on peut
inteivenir juste en aplomb de l'accident.
Conclusion
Il ne faudra jamais oublier que la mise en place de ces
méthodes de sauvetage sera toujours dépendante du terrain, que certains
sauvetages seront faciles à mettre en place alors que d'autres seront tout
simplement impossibles, que les techniques décrites dans cet article ne sont pas
infaillibles et que d'autres systèmes peuvent amener d'autres réponses.
*Aucune info sur ce numéro ou cet article CKM...
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