Extrait de CANOË KAYAK MAGAZINE , reproduit avec permission
de l'auteur et du journal
Le monde du canoë kayak surfe actuellement sur la
vague "fun". Le playboating investit largement les pratiques, incluant celle de
la descente de rivière. Loin de se poser en censeur dépositaire de la morale des
eaux vives, tentons de faire le point sur le phénomène "jeu" en rivière, afin de
situer ce que pourrait être le "hors-jeu".
On pourra peut-être alors traiter cet essai de "vieux
jeu", il aura le mérite de poser des jalons qui, on l'espère, ne seront pas
ceux qui servent à se repérer dans les couloirs des
hôpitaux ou dans les allées des cimetières.
Constat
Mode passagère ou phénomène durable, l'usage des "playboats"
se généralise, pour le plus grand plaisir des pagayeurs.
Conçues initialement pour le rodéo, ces embarcations
sont de plus en plus utilisées pour la descente de rivière.
Repères
Le rodéo, c'est avant tout une activité de production
de formes, comme l'est, par exemple, la gymnastique sportive. L'engagement y est
faible, puisque en général, la prise de risque maximum se solde par un gros
bain. Le matériel contribue à favoriser la réalisation de figures, avec des
caractéristiques communes qu'on peut résumer par :
- pointes effilées
- peu de volume
- cockpit exigu
En descente de rivière, l'incertitude et l'engagement sont
omniprésents. Le pagayeur recherche en permanence là meilleure trajectoire en
évitant au maximum les situations dangereuses. Un bon bateau d'eau vive aura :
- des pointes arrondies
- un volume conséquent
- un cockpit large dont on peut s'extraire facilement,
y compris en position de "planté vertical avant, avec une pression forte sur le
dos".
Ces caractéristiques sont surtout valables en torrent cévenol
(type Haut Tarn ou Corse) et peuvent être allégées dans le
cas de rivières à gros volume (type Dora Baltéa ou
Oetztaler Ache).
Il existe donc certaines incompatibilités entre les deux
pratiques, bien que des convergences soient à noter. Faisons le point.
Le gros volume
Descendre dans des gros "barnums" avec un playboat semble
une option tout à fait raisonnable, pour peu qu'on respecte certaines règles
élémentaires.
- ne pas surestimer au niveau de la difficulté, ce qui
est d'ailleurs valable pour toute forme de navigation.
- avoir des compétences en esquimautage en rapport
avec la difficulté du parcours.
- avoir une jupette sûre à 100%
Le problème majeur en gros volume, c'est le
franchissement des reliefs importants (rouleaux, meules et trous en tous
genres).
Le playboat peut apporter des solutions puisqu'il
permet de passer "par le fond", en restant au contact de l'eau qui descend. En
contrepartie, il faut accepter des apnées longues et pressantes !!
L'escalier cévenol
Ce type de rivière semble peu compatible avec la
pratique du playboat. La raison en est simple : les risques de coincement
frontal sont très marqués avec ce type de bateau, avec en corollaire, une sortie
du cockpit difficile en cas de blocage.
Faut-il censurer ces pratiques ?
Il paraît difficile de figer une norme en la matière !
Ce qu'on peut affirmer, sans être pour autant devin :
- certains kayakistes de très haut niveau sont capables de passer
quasiment n'importe où en playboat.
- la généralisation de ces pratiques aura un coût élevé, en terme de
blessures graves et de noyade.
L'exemple allemand
Les années 70/80 ont été marquées en Allemagne par une utilisation massive
des matériaux révolutionnaires de l'époque.
Armés du Taifun, de la fameuse Schlegel Allround et du casque intégral,
nombre de pagayeurs se sont pris pour des "immortels" de l'eau vive. Les
pagayeurs assidus des meilleurs spots européens peuvent témoigner, au vu des
nombreuses plaques funéraires qui ornent le bord des rivières, que le mythe de
l'époque était quelque peu frelaté. Ne tombons pas aujourd'hui dans le même
travers. On l'a déjà dit : naviguer, ce n'est pas jouer à la roulette russe.
Les rivières en escaliers encombrés sont donc "hors jeu".
Elles le sont encore plus si on combine les deux activités décrites en
introduction, en effectuant par exemple un cartwheel dans une chute de dix
mètres. On conseillera aux irréductibles de tenter directement la figure en
fauteuil roulant, avec les roues bien gonflées,
afin d'éviter l'achat inutile du playboat.
Réflexions de papys aigris, diront certains.
On peut cependant penser que tout est encore à inventer dans le domaine de
l'eau vive. Pour aller au bout de cette exploration, il vaut peut-être mieux
prendre soin des forces vives de la gent kayakovivus...
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Rodéo=creek?
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