ATTENTION CA RAPPELLE

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Par Lionel LAFAY

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Extrait de CANOË KAYAK MAGAZINE fev-mars 96, reproduit avec permission de l'auteur et du journal


Première partie : Préventions et risques

Le rappel est sans doute l'un des dangers majeurs rencontrés dans la pratique des sports d'eaux vives. Se formant naturellement selon certaines caractéristiques dues à la morphologie de la rivière, on trouve le rappel "parfait" véritable "machine à noyade" au pied des chutes artificielles. Les statistiques présentées par nos voisins Suisses, Allemands et Autrichiens démontrent que plus de la moitié des accidents mortels sont imputables aux rappels. D'abord, le point sur la prévention de ce risque; la sécurité active de ce danger sera traitée dans la deuxième partie.

La formation d'un rappel

Un rappel est un mouvement d'eau que l'on trouve à la réception d'une brusque rupture de pente, si minime soit-elle, provoquée soit naturellement (seuils, chutes...) soit artificiellement (digue, barrage, déversoir...). La création du rappel est due à la chute de la masse d'eau, appelée lame d'eau, qui, accélérée par la rupture de pente, va percer un passage sous la surface du bassin de réception et selon sa puissance, s'enfoncer dans les profondeurs du bassin pour ressurgir plus loin en aval. A ce point de résurgence, marqué par la présence d'un bouillonnement, un ressac par effet de dépression va se produire, provoquant ainsi un mouvement d'eau très aéré (la densité de l'eau est divisée par 2) qui retourne au pied de la cassure: c'est le rappel. Ce système en circuit fermé va fonctionner comme un véritable tambour de machine à laver, et retenir prisonnier tous les objets flottants qui arrivent avec la lame d'eau. Le mouvement d'eau alors observé est un courant d'eau très émulsionné par de fines bulles d'air qui revient contre la chute sans reliefs excessif le rendant peu impressionnant pour le néophyte.

Identifier un rappel

L'observation pour savoir si l'on est en présence d'un rappel doit porter sur trois éléments : l'inclinaison de la rupture de pente, le débit de la lame d'eau, les mouvements d'eau du bassin de réception.

L'inclinaison de la rupture de pente :

Si la hauteur importe peu, car un rappel peut se former avec une rupture de pente de moins de 30cm, on peut affirmer que lorsque la pente dépasse 30° d'inclinaison, on peut craindre la formation d'un rappel. Cette analyse doit être faite de la rive.

La puissance de la lame d'eau :

Le débit (volume et vitesse du courant) de cette lame d'eau va être en effet déterminant dans la formation du rappel. Si celui-ci est faible, une lame d'eau sera rapidement décélérée dans le bassin de réception, elle s'écoulera alors en surface et il n'y aura pas de formation de rappel (ou celui-ci sera peu puissant). Dès que cette lame d'eau devient plus conséquente (par l'augmentation du débit), on retrouve le principe de création d'un rappel expliqué plus haut.

L'observation doit se faire sur l'épaisseur de la lame d'eau qui passe sur la cassure. On peut noter qu'un faible débit donne en général une lame d'eau blanche, et qu'un débit d'eau plus important donne une lame d'eau dense.

Les mouvements d'eau du bassin de réception :

L'observation des mouvements d'eau que l'on trouve en bas d'une cassure définira définitivement si l'on est en présence d'un rappel. Le ressac (courant qui revient contre la chute) d'un gros rappel sera généralement visible et sa présence indiquera à coup sûr le danger mortel. On pourra lancer un morceau de bois sec en travers du rappel pour s'assurer du phénomène (mais surtout pour en frissonner). Si il est évident à apercevoir sur des gros volumes, le rappel n'est pas toujours décelable et prouve que la lecture des mouvements d'eau peut être aléatoire. Combien de navigateurs expérimentés ont été surpris par la violence ou la réaction d'un mouvement d'eau indécelable de la berge et que la surestimation du phénomène rappel doit être appliquée. La visualisation d'une eau très brassée en air, blanchie, du genre aspirine effervescent à la réception indique, même sans la présence flagrante d'un ressac, le rappel. La nature de la réception sera importante dans la formation du rappel. On aura des rappels différents selon que le bassin de réception est profond ou pas. Le rappel sur une chute verticale dans un bassin de réception profond sera court mais descendra profondément. A noter que le risque rappel sera inexistant si le bassin de réception n'a pas de profondeur (on se trouve alors en face d'un autre problème). Il peut également y avoir la présence d'un obstacle, d'un rocher immergé en aval du seuil ou de la chute qui augmente l'effet de retour du ressac. On peut vérifier cela sur certains barrages qui possèdent une digue sous-marine située en aval du barrage ayant pour mission de casser la lame, mais qui renforce le phénomène de rappel.


Les types de rappels:

Rappels de barrages

On trouve de longs et puissants rappels au pied des barrages, des déversoirs, des digues ou toutes les sortes de constructions dont le but est de retenir ou de freiner l'eau. Construits perpendiculairement au lit de la rivière et sur toute sa largeur ils sont radicaux dans leur géométrie et n'offrent donc aucune possibilité de sortie sur les côtés. Ce sont les plus dangereux car ils forment un parfait rappel d'où il est impossible de s'échapper (même avec une équipe placée en sécurité). Ces constructions artificielles doivent être décelées impérativement par le navigateur. Une ligne d'horizon trop nette, le paysage décalé, toute retenue d'eau, toute construction sur la rivière (en béton, en pierre, en bois...) mais aussi proche de la rive, une usine hydroélectrique, voire d'anciens moulins, une écluse mais aussi le bruit d'une chute, seront le prétexte pour s'arrêter et débarquer. II peut exister également un panneau indiquant le barrage et son danger mortel, mais il est loin d'être systématique...

Rappels naturels

Les rappels naturels peuvent être aussi dangereux que les rappels dûs à des barrages. Ils sont néanmoins souvent moins radicaux que les rappels des barrages et leur morphologie moins rigoureuse leur permet d'être "négociés" par ceux qui placent du défi dans leur navigation.

On trouve par exemple des rappels se produisant sur une partie de la cassure seulement, ou bien des rappels à déplacement transversal dûs à la ligne de cassure de la chute qui n'est pas perpendiculaire au lit de la rivière. On aura alors un rappel qui aura dans son cycle de retour un déplacement latéral et s'ouvrira éventuellement sur une veine d'eau ou sur un poste de récupération. On observe aussi quelquefois sur des rappels le phénomène de la langue d'eau qui vient casser un endroit précis du rappel. Cela étant souvent dû au courant principal qui a érodé le bord d'attaque de la cassure, provoquant ainsi une transformation à cet endroit là de la lame d'eau (débit et angle) et venant perturber le rappel à cet endroit-là (cela peut être aussi l'endroit le plus violent du rappel). Bien entendu ces mouvements d'eau doivent être décelés du bord par des personnes expérimentées.

1 - Chutes et Seuils

Les cassures naturelles, qu'on appelle selon leur importance chutes ou seuils sont provoquées par un changement de nature géologique (roche tendre - roche dure), ou par l'obstruction de blocs tombés dans le lit de la rivière et constituent des rappels si le volume d'eau est suffisant.

On peut trouver également sur les chutes un phénomène redoutable que l'on voit très rarement sur des rappels artificiels. C'est le double rappel. Il peut exister en effet, selon la nature du terrain, une érosion en concavité du socle de la chute. Chacun connaît le principe de passer derrière le rideau d'eau d'une chute (voir Tintin "Le Temple du Soleil"). A un certain niveau d'eau, un rappel peut se former en arrière de la chute, pouvant présenter un gros danger surtout si l'on note un contre-courant en bas de la chute qui remonte jusqu'à cette zone.

Les chutes abordées en majorité par les adeptes de la haute-rivière devront être étudiées avec beaucoup de prudence et le franchissement remis en question dès que le débit augmente. Les seuils devront également être toujours observés car malgré leur faible hauteur ils peuvent comporter de dangereux rappels.

2 - Pleureurs

Un rocher placé dans le courant peut, selon sa morphologie, créer un rappel du moment que l'eau le recouvre et qu'apparaît le phénomène de la chute d'eau. C'est d'ailleurs un des dangers d'une rivière en crue car de nombreux blocs sont alors recouverts pouvant former des rappels. On se méfiera des pleureurs dont les deux extrémités du rappel remontent vers l'amont (forme de croissant) car ils constitueront un véritable piège. Ceux dont une des extrémités pointe vers l'aval peuvent retenir le pagayeur quelques instants, mais finiront par "recracher" l'infortuné à leur extrémité aval. Le pleureur se distingue en amont par une sorte de refoulement de la masse d'eau qui provoque une légère vague ronde, très aplatie, que l'on aurait tort de confondre avec une vraie vague.

3 - Les trous

Certains rouleaux (vagues déferlantes) possèdent un rappel de surface puissant, roulant de façon assez régulière. Il ne s'agit pas d'un vrai rappel comme nous l'avons vu précédemment car le phénomène est différent. Le rouleau à rappel, appelé souvent 'trou", est provoqué par une cassure moins prononcée (dûe à la forme du lit de la rivière ou parce qu'un pleureur se trouve "noyé") et par le passage d'une lame d'eau très importante qui se trouve freinée par la masse d'eau plus lente de l'aval. La lame de surface est alors violemment refoulée vers l'amont tandis que la lame en profondeur continue son chemin vers l'aval. Un objet ayant une bonne flottabilité se retrouvera retenu dans le creux du rouleau. Son franchissement est généralement difficile et peut être la cause de dessalage (après quelques loopings ou un surf forcé).

Les rouleaux constituent l'un des défis les plus intéressants de l'eau vive. Ils sont impressionnants mais leur maîtrise est exaltante. S'il est difficile de s'en sortir avec une embarcation, le nageur sera toujours (après quelques tours) éjecté par la lame de profondeur très importante qui passe sous ce rappel de surface.


La prévention du risque rappel :

On retrouve les attitudes logiques d'un navigateur averti qui s'aventure sur un cours d'eau : la prise de maximum d'informations du parcours sur lequel on s'engage, la reconnaissance à chaque difficulté, la navigation adaptée à son niveau technique, un équipement adéquat.

1 - Connaissance du parcours :

Il est primordial de connaître le type de parcours sur lequel on s'engage et les difficultés qu'on peut y rencontrer, notamment sur les barrages et les seuils qui s'y trouvent (nombre, nature, situation, les possibilités de débarquement).

Chacun peut s'informer donc par le biais de topoguide, des clubs locaux, de la FFCK et éventuellement auprès d'instances locales comme la gendarmerie, le barrage EDF, l'hôtel-restaurant qui borde la rivière...

Il est important d'avoir une indication sur la fourchette du niveau d'eau pour naviguer car il est extrêmement dangereux de s'aventurer sur des parcours même faciles en hautes-eaux où l'on trouve la présence de barrages et de retenues (de nombreux cas de noyade dans des rappels sont liés justement à une navigation en hautes eaux).

2 - La reconnaissance :

Chaque rupture de pente doit être préalablement reconnue (la maîtrise du stop contre-courant est donc primordiale). Cela implique de débarquer bien en amont de l'obstacle et d'effectuer à pied une reconnaissance (attention de ne pas glisser et tomber dans le rappel, c'est hélas arrivé) : portage au moindre léger doute et éventuel franchissement par des personnes expérimentées (à noter que sauter un barrage ne donne pas lieu à la mise de prouesse technique, tout au plus un acte de courage qui peut avoir de graves conséquences).

3 - La navigation :

Pour les débutants, il est impératif de savoir maîtriser les stops contre-courant même sur des parcours faciles. Ces stops, pour ceux qui s'engagent sur des parcours sportifs, devront être réalisés dans toutes les conditions.

Une bonne technique de navigation est bien entendu utile pour éviter les rappels provoqués par des pleureurs ou des rouleaux (prise de vitesse, accrochages, bac arrière, placement du bateau...). Elle sera toujours liée à la lecture de rivière et reposera sur l'anticipation.

Pour les pratiquants de rivière sportive et notamment dans le cadre de la haute-rivière, des techniques de navigation permettent de passer certains rappels si la sécu le permet.

Emulsionnée, brassée, l'eau n'est plus propice à fournir un appui solide et porteur, le franchissement repose alors sur la prise d'un maximum de vitesse pour s'extirper du rappel. La technique de franchissement d'un rappel en kayak sur une chute ou un seuil consiste à arriver à plat (par une giclée), le plus en aval possible du rappel, d'accélérer ses appuis en propulsion et d'accrocher très vite une zone de courant.

Dans les passages des rouleaux à rappel, il est important également de prendre de la vitesse, de placer son embarcation bien parallèle au ressac (ce qui ne veut pas dire parallèle par rapport au courant) afin de limiter l'impact de ce mouvement d'eau sur le bateau, le corps penché sur l'avant et de placer un "accrochage" derrière le rappel ou en profondeur pour attraper la lame de fond. En raft il faut placer de très bons équipiers à l'avant qui tirent le bateau du rappel en plantant leur pagaies derrière le rappel. En nage en eau vive, il est judicieux de passer sous le rappel (que ce soit pour une chute ou un rouleau), en collant bien à la lame d'eau, en plantant l'hydro très profondément et en palmant "très fort".

Il est également important de connaître, toutes embarcations confondues, les techniques de surf et de dégagement dans les rouleaux à rappels lorsqu'on aborde la rivière sportive.

4 - L'équipement :

L'équipement est important, bien que l'on note quelques divergences au niveau du "maximum de flottabilité" en ce qui concerne le risque rappel En effet, dans un rappel, trop de flottabilité peut nuire au nageur. Il vaut donc mieux équilibrer sa flottaison (il est en effet inutile de mettre par exemple un gilet de 14 kg de flottabilité si on pèse 40kg et de bouchonner dans le moindre rappel à la nage).

En haute rivière le gilet harnais est important, notamment pour ceux qui font la sécu sur le bord de la rivière. Une bonne corde de sécu est primordiale pour sortir quelqu'un d'un rappel.

En raft, il est bien d'avoir un bout sur une extrémité pour faire une ancre flottante si le raft surfe trop longtemps. Attention à ce que vous mettez aux pieds (une paire de chaussures avec des semelles vraiment anti-dérapantes sera sécuritaire quand vous marcherez au bord de la berge).

 

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